Le village gaulois
- Mais j’men bats les c …
- Non c’est pas comme ça chez moi
- Ouais ben …
- Tu peux dire c’que tu veux …
- Arrête de me dire que je suis un c …
- …
Dans le couloir, déjà, j’entends chacun de mes élèves s’exprimer le plus poétiquement du monde. J’entre et les neuf dixièmes sont en train de s’expliquer. Un ʺil-est-pas-bon-mon-poissonʺ n’aurait en aucun cas fait tache. J’observe quelques instants, ils ne m’ont pas remarquée.
Puis utilisant mon rôle de vache alpha, je leur dis de tous sortir. « Allez, vous sortez maintenant, oui maintenant, hop, vous dégagez, vous allez vous expliquer dehors, vous allez régler ça tranquillement, sans vous insulter, vous sortez».
Physiquement je les chasse, comme un troupeau perdu, sans hausser le ton. Ils ne s’opposent pas et obéissent. Je les suis tout en les chassant du couloir, de l’école, de devant l’école … et les accompagne jusqu’au petit kiosque qui fait aussi des cafés.
Le groupe entre comme une sorte d’agglomérat humain pris dans leurs émotions. Ils baissent enfin le ton, s’asseyent, puis au bout d’un moment recommencent à parler de choses et d’autres.
Une tournée de café plus tard, un élève me dit :
- Madame, on va pas rediscuter de ça en classe?
- Non, je ne crois pas, pas aujourd’hui du moins.
Sur le chemin du retour, une élève, comme pour me consoler, me tend une toute petite fleur: « eh, tenez c’est pour vous ».
Et là, en tant que vache alpha, je me demande si je ne devrais pas la manger.