Le grand conseil

Tu es partie ... cette nuit du 23 juin ... je ne réalise pas.

Et je veux t'écrire encore.

Tu étais une amie très chère. Nous avions fait la même formation dans notre jeunesse. Cela faisait plus de trente ans que nous nous connaissions et que nous nous croisions lors de tes passages par ici. 

Ce premier métier resta une passion, tu fis de l'humanitaire. Tu t'y engageas, comme à ton accoutumée, entièrement. Tu partais souvent. Il était devenu presque un rituel, que tu fasses signe quand tu revenais; les amis alors se réunissaient. Une amitié simple, évidente. 

Puis tu repartais. 

Tu avais peu d'illusions sur l'humain, pourtant tu le défendais chaque jour. Je retenais de toi à chaque rencontre, cette humilité énergique et cette bienveillance nourrissante pour qui te côtoyait. 

Je ne trouve pas les mots pour exprimer ce vide que je peine à réaliser, nous t'avions rendu visite ce printemps, avec quelques vieilles "potes", pour te témoigner notre amitié. Tu étais encore là, fragile flamme, mais flamme. Je disais alors aux autres en rentrant de l'hôpital " pour moi, F., elle ne mourra jamais ..."

Et puis voilà, tu t'es battue ... tu es restée digne jusqu'à la fin. Tu fus une grande dame, une grande âme,  une amie si fidèle, je te pleure aujourd'hui.

J'espère que là où tu as posé à nouveau tes valises, tu aies trouvé la paix, le repos*. Salue pour moi Martine, Vincent, l'abbé ZG, Isabelle ... et tous les autres; ils t'expliqueront que parfois naïvement je les consulte et que j'espère qu'ils m'entendent. Ils t'apprendront que tu fais maintenant partie du grand conseil, celui auquel je pense quand mes valeurs chancellent.

Merci !

* et des crèmes de jour ...

Manuscrit original de la Jeune Fille et la Mort, issu de la collection Mary Flagler Cary, Morgan Library, New York.